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mardi 14 juin 2011

La Buveuse, ou Gueule de Bois


Pendant l’été 2010, je suis allé visiter Albi, la cité de briques rouges, avec son impressionnante cathédrale et son musée consacré à l’artiste Henri de Toulouse-Lautrec. C’est dans ce musée que je découvrais, au milieu des grandes affiches où étaient représentés les personnages tonitruants des meilleurs cabarets (ou maisons closes) parisiens, un petit morceau de carton ondulé sur lequel on pouvait voir, dessiné à l’encre de chine et ce qui semble être du crayon de couleur bleu, une femme accoudée à une table, un verre et une bouteille à demi pleins posés devant elle. Le titre indiquait « la Buveuse ou Gueule de bois ».



Je ne sais pas ce qui m’a frappé dans ce qui n’était (je ne l’appris que bien plus tard) que le croquis préparatoire pour un tableau plus abouti qui n’était pas présent dans le musée. Toujours est-il qu’il tranchait singulièrement avec les tableaux alentours. Là où les grandes affiches figuraient des visages aux caractéristiques exagérées, presque caricaturaux, et toujours pris dans l’action, je trouvais dans ce tableau un calme presque douloureux, et un visage étonnamment détaillé et réaliste, à l’expression vive dans son hébétement alcoolisé. C’est d’ailleurs ce qui m’a plu le plus dans ce croquis : Le décor, les vêtements, le verre et la bouteille sont tracés avec de larges traits d’encre qui en évoquent les contours plus qu’ils ne les détaillent. Le visage, en revanche est quant à lui constitué d’une multitude de petits traits de pinceaux qui en cisèlent l’expression pour la rendre vivante. J’ai découvert beaucoup plus tard la version terminée du tableau. Curieusement, il m’a beaucoup moins plu. Je trouve que la multitude de traits de couleur noie un peu le personnage, et les détails si précis du croquis sont noyés par les traits définitifs du tableau final. Bien sur, le tableau en couleur est plus « réaliste », mais je le trouve beaucoup moins expressif.



Le tableau est censé représenter Suzanne Valadon, une femme qui exerça le métier de modèle pour peintres avant de copier les techniques qu’elle observait durant les séances de pose et de devenir peintre elle-même. On peut d’ailleurs voir dans son vêtement les grandes chemises que portaient les peintres de cette époque, et sa coiffure ramenée sur la nuque sans doute pour ne pas gêner son travail. Du coup, on peut imaginer toute une histoire qui aboutit à cette scène, et c’est justement l’absence de mouvement dans le tableau qui permet cet aiguillon de l’imagination. J’imagine souvent une séance de peinture effrénée où les deux peintres ont passés une nuit entière à travailler de concert sur leur chevalet. Ce n’est qu’au matin que, leur œuvre terminée, les deux artistes voient tomber sur leurs épaules le poids de l’épuisement d’un travail aussi frénétique. Trop excités encore pour dormir, ils décident d’aller reprendre quelques forces dans un café qui vient à peine d’ouvrir. Là, ils commandent une bouteille de vin qui prend très vite un coup dans l’aile. Au fil de la conversation, les esprits fatiguent, le regard se fait vitreux et la peintre se perd dans une réflexion où se mêlent les considérations triviales, les inquiétudes d’artiste, les brumes du sommeil et une migraine naissante. Le peintre décide alors de coucher sur le papier cet instant fugace, prélude à une prochaine œuvre.

Je ne suis pas un grand expert en peinture, et dans ce domaine, je me laisse surtout guider par mes émotions. Je serais bien incapable d’analyser les techniques utilisées, de replacer l’artiste dans son époque ou d’en faire une docte interprétation, alors je me suis contenté de parler de mes sentiments envers ce tableau qui m’a tellement plu que j’en ai acheté une reproduction en poster à la sortie du musée (le croquis, pas le tableau final), et elle trône maintenant dans l’entrée de mon bureau dans un beau cadre.

2 commentaires:

  1. Ben pourquoi tu diminues ton texte ? Ton analyse est parlante, bien écrite et tu expliques pourquoi ça t'a touché. Et du coup, moi j'ai envie de le voir ce croquis. Tiens, du coup, je te conseille de lire (si ça n'est pas déjà fait) On n'y voit rien, de Daniel Arasse, un superbe bouquin qui décortique, de façon accessible (c'est-à-dire en se posant les questions que nous nous posons tous) plusieurs tableaux. J'suis sûre que ça te plaira.

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  2. Waouh ! Merci beaucoup ! Venant de toi le compliment est plutôt flatteur ! Je tenais en fait plutôt à souligner que mon "analyse" n'en était pas vraiment une, mais simplement un exposé de mes sentiments face à ce portrait. Je te remercie également pour la référence : je suis déjà allé lire quelques extraits du bouquin, et je l'ai rajouté à ma prochaine shopping list chez Amazon

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